AGI : la bataille des visions
Une fracture s’ouvre entre OpenAI et Microsoft, pourtant partenaires clés. En jeu: l’AGI, cette intelligence artificielle «hautement autonome» que OpenAI estime bientôt capable de surpasser les humains dans la plupart des tâches économiques.
Deux visions irréconciliables
Selon le Wall Street Journal, Sam Altman, PDG d’OpenAI, affirme que l’AGI est «à portée de main». Il envisage même une déclaration officielle dès qu’un agent IA de programmation surpassera un développeur humain expérimenté. Mais du côté de Microsoft, Satya Nadella se montre beaucoup plus sceptique. Il dénonce un «piratage de critères absurdes» et s’oppose à toute autoproclamation de percée décisive.
Cette divergence est loin d’être théorique: elle fragilise un accord clé entre les deux entreprises.
Le partenariat signé en 2019 contient une clause cruciale: si OpenAI déclare avoir atteint l’AGI, elle peut alors vendre ou licencier sa technologie à d'autres acteurs — sauf si Microsoft obtient un droit d’exclusivité. La situation se complique encore avec le concept de «sufficient AGI», un seuil supérieur, déclenché lorsque les systèmes d’OpenAI génèrent assez de revenus pour verser à Microsoft sa part future. Mais cette étape nécessite cette fois l’accord de Microsoft.
Le contrat interdit en outre à Microsoft de développer sa propre AGI jusqu’en 2030. Un engagement que certains dirigeants internes ont toujours jugé arbitraire — mais qu’ils ont accepté à l’époque, car Microsoft accusait un retard considérable dans l’IA.
Vers un affrontement juridique?
Si OpenAI déclare unilatéralement avoir atteint l’AGI, cela pourrait ouvrir la voie à un bras de fer juridique. Microsoft, qui détient une participation stratégique dans la startup et un droit de veto sur ses levées de fonds, chercherait actuellement à modifier — voire supprimer — la clause AGI du contrat.
Ce conflit ne se limite pas à un différend contractuel. Il reflète une bataille plus vaste au sein de la Silicon Valley: jusqu’où les modèles actuels d’IA peuvent-ils aller ? Et surtout, qui a le droit de décréter que l’humanité vient de franchir le seuil de l’intelligence artificielle générale ?
Les craintes autour de l'AGI
Ce qui est en jeu dépasse de loin une simple avancée technologique. Des propos récents du physicien Anthony Aguirre interpellent:
«L’AGI, et au-delà, la superintelligence, n'est pas un simple outil, c'est une rivale ... qui ressemble davantage à une autre espèce.»
Ce mot incarne la crainte croissante des chercheurs : que cette intelligence devienne si complexe qu’elle poursuive ses propres objectifs, sans plus tenir compte des nôtres.
Source : The Wall Street Journal